Paul Bocuse

Rendez-vous exclusif
De maĂźtre Ă  Ă©lĂšve
Le Chef du siĂšcle Paul Bocuse

Il est Ă  la cuisine ce qu’est la gastronomie française Ă  l’Unesco. Un patrimoine inestimable. SacrĂ© Chef du siĂšcle par le CIA en mars 2011 (le Culinary Institute of America, pas la CIA!), Paul Bocuse, trois Ă©toiles Michelin depuis 1965, a menĂ© une carriĂšre d’excellence. Devenu le chef le plus cĂ©lĂšbre de notre Ă©poque aprĂšs avoir lancĂ© il y a un demi-siĂšcle le mouvement de la nouvelle cuisine, ce grand maĂźtre nĂ© Ă  Collonges-au-Mont-d’Or, prĂšs de Lyon, a la foi formatrice. Pour Cuiz’in, le nouveau magazine gourmet et gourmand, il signe l’édito et se laisse interviewer par son Ă©lĂšve, Joseph Karam, prĂ©sident de l’Association des diplĂŽmĂ©s de l’Institut Bocuse. Des questions curieuses, qui n’ont pourtant nullement Ă©branlĂ© cette lĂ©gende vivante, imperturbable Ă  85 ans.

Quels sont vos plats préférés et pouvez-vous nous donner deux recettes au moins?
Ah, la soupe aux truffes, le barbet en écailles de pommes de terre croustillantes et le baba au rhum pour le dessert.

Qu’y a-t-il au menu idĂ©al de Paul Bocuse?
Un pot-au-feu
 Tout est dans la recette.

Quel est l’ingrĂ©dient sans lequel vous ne pouvez pas cuisiner?
L’assaisonnement.

Et l’ingrĂ©dient qui peut tout gĂącher?
Trop d’assaisonnement!

Sans plus de détails
 Quel est le secret de votre réussite?
Si je vous le dis, il n’y aurait plus de secret.

A vos yeux, la gastronomie, c’est une question de?
C’est un nom que je rĂ©fute et que n’utilise pas!

Aujourd’hui, on parle de plus en plus de cuisine molĂ©culaire
 Comment la percevez-vous?
J’en ai entendu parler


Quel est votre resto préféré et pourquoi?
Le mien, oĂč je mange deux fois par jour.

Justement, dans la mĂ©moire collective, Bocuse, c’est d’abord votre resto L’Auberge du Pont de Collonges, triplement Ă©toilĂ©e depuis 46 ans, mais il y a aussi l’Institut d’Ecully qui forme aux mĂ©tiers de la restauration, et puis le Bocuse d’Or, qui promeut les jeunes talents depuis 1987
 S’il y avait un seul message Ă  retenir de l’Ɠuvre bocusienne, lequel serait-il?
L’amour du travail bien fait.

Tokyo compte plus de restos Ă©toilĂ©s que la France: est-ce normal? Comment l’expliquez-vous?
Uniquement parce que le nombre d’habitants est beaucoup plus important…

Etre sacrĂ© Chef du siĂšcle, c’est incroyable! Quelle est votre plus belle rĂ©ussite?
Avoir 85 ans et ĂȘtre toujours de ce monde.

Votre fils, toque grandissante
 digne hĂ©ritier de la lignĂ©e? Quelle est la plus belle leçon que vous lui avez enseignĂ©e?
Le goût du travail.

Que pensez-vous de la cuisine libanaise, du Liban… Assez gourmet?
Je dirais que la cuisine y est avant tout riche et parfumée.

Et quel est le conseil que vous nous donnez Ă  l’heure oĂč l’on fait de plus en plus appel Ă  des chefs Ă©toilĂ©s?
De serrer les rangs, mais de se souvenir qu’il y a bon nombre de chefs n’ayant pas d’étoiles qui sont excellents.

Peut-on espérer un restaurant Bocuse bientÎt au Liban?
L’espoir fait vivre

Propos recueillis par Joseph Karam

L’Institut, un vivier de grands noms
Sous l’enseigne de l’Institut Paul Bocuse, cinq comitĂ©s d’experts aux membres Ă©minents ont Ă©tĂ© rĂ©unis. Il y a le comitĂ© de l’Innovation, prĂ©sidĂ© par JoĂ«l Robuchon, vĂ©ritable creuset de rĂ©flexion dans lequel des experts Ă©tudient l’évolution dans la restauration, mais aussi le comitĂ© Bocuse & Co sous la prĂ©sidence de Yannick AllĂ©no, ou encore le comitĂ© des Arts de la dĂ©gustation, prĂ©sidĂ© par Olivier Poussier, Meilleur sommelier du monde en 2000
 A l’Institut Paul Bocuse, les Ă©tudiants bĂ©nĂ©ficient d’un rĂ©seau mondial de partenaires et grands professionnels. Parce que le grand maĂźtre tient Ă  passer Ă  postĂ©ritĂ© ses acquis… Non, Paul Bocuse n’est pas extraterrestre. Tout bonnement extraordinaire.

4 recettes du Chef Paul Bocuse:

Soupe aux truffes Elysée
Pour 1 personne l Préparation et cuisson 2 h

-50 g de truffes fraĂźches crues
-20 g de foie gras
-60 g de pùte feuilletée
– 1/4 de litre de consommĂ© double de volaille
-2 c. à s. de potage de matignon composée de: rouge de carottes, oignons, céleri et champignons
en parties égales, taillés en dés trÚs fins et étuvés au beurre

Il faut mettre dans une petite soupiĂšre individuelle, dite soupiĂšre Ă  «gratinĂ©e lyonnaise», 2 cuillerĂ©es Ă  soupe de matignon, 50 g de truffes coupĂ©es en lamelles irrĂ©guliĂšres, 20 g de foie gras coupĂ© Ă©galement en morceaux irrĂ©guliers et 1/4 de litre de consommĂ© double de volaille. DeuxiĂšme Ă©tape: couvrir la soupiĂšre d’une mince abaisse de pĂąte feuilletĂ©e. L’abaisse aura Ă©tĂ© au prĂ©alable badigeonnĂ©e au jaune d’Ɠuf, pour ĂȘtre ensuite fixĂ©e sur la soupiĂšre de façon Ă  la fermer hermĂ©tiquement. TroisiĂšme Ă©tape: mettre la soupiĂšre au four Ă  220°C. La cuisson s’effectue assez rapidement. Le feuilletage (pĂąte feuilletĂ©e) doit se dĂ©velopper sous l’effet de la chaleur et prendre une belle couleur dorĂ©e (signe de cuisson). A dĂ©guster aprĂšs avoir brisĂ©, du dos de la cuillĂšre, la pĂąte feuilletĂ©e, qui doit tomber en miettes Ă  l’intĂ©rieur de la soupiĂšre.

«C’est ainsi que ValĂ©ry Giscard d’Estaing et son Ă©pouse dĂ©gustĂšrent la soupe aux truffes crĂ©Ă©e Ă  leur intention, lors du succulent dĂ©jeuner qui rĂ©unissait les meilleurs ouvriers cuisiniers de France (
) le jour oĂč le PrĂ©sident de la RĂ©publique m’a remis la croix de la LĂ©gion d’honneur au titre d’ambassadeur de la cuisine française, le mardi 25 fĂ©vrier 1975.»

Soupe au potiron
Pour 6 personnes l Préparation et cuisson 6 h 

 – 1 petit potiron (2 kg environ)
– 200 g de crĂšme Ă©paisse
– 50 cl de bouillon de volaille 
– Sel, poivre, noix de muscade
Accompagnement:
– 10 croĂ»tons grillĂ©s
– Quelques brins de cerfeuil

Couper un chapeau dans le potiron. Retirer la partie filandreuse et les pĂ©pins attenants Ă  la chair du potiron. Couper la pulpe en morceaux. Faire cuire les morceaux de potiron Ă  la vapeur 20 mn. Faire chauffer le bouillon de volaille. Passer la pulpe du potiron au mixer en ajoutant au fur et Ă  mesure le bouillon bouillant. Reverser le tout dans une casserole, ajouter la crĂšme et mĂ©langer bien. Assaisonner en sel, poivre et muscade. Porter sur feu moyen jusqu’à Ă©bullition. Donner quelques bouillons. Couper les croĂ»tons en petits cubes. Verser la soupe dans le potiron creusĂ©, parsemer de croĂ»tons en dĂ©s et saupoudrer de cerfeuil hachĂ©.

L’astuce: ‘‘Creuser dĂ©licatement le potiron, sans percer la peau.’’

Poires Ă  la beaujolaise
Pour 6 personnes l Préparation et cuisson 6 h

– 12 petites poires
– 1 bouteille de vin rouge (Beaujolais, Morgon)
– 150 g de sucre en poudre 
– 1 bĂąton de cannelle
– 1 gousse de vanille
– 6 grains de poivre
– 1 clou de girofle
– 1 zeste d’orange non traitĂ©e
– 1 verre de crĂšme de cassis de Dijon

Fendre la gousse de vanille en deux. Verser le vin dans une casserole assez grande pour pouvoir contenir les poires. Ajouter le sucre, le zeste d’orange, la cannelle, la gousse de vanille. Enfermer les grains de poivre et le clou de girofle dans une petite gaze et l’ajouter dans la casserole. Porter Ă  Ă©bullition et laisser bouillir 5 mn. Eplucher soigneusement les poires en leur gardant les queues. Les plonger dans le sirop et laisser cuire Ă  petits frĂ©missements 20 mn. Les laisser refroidir dans le vin. Pour servir, les disposer dans un compotier, les arroser du sirop et de la crĂšme de cassis mĂ©langĂ©e Ă  froid. Les accompagner de macarons ou de croquants et servir tiĂšde ou glacĂ©.

L’astuce: ‘‘0n choisira 12 poires saint-Jean ou 6 passe-crassane. Les premiĂšres, toutes petites, de forme allongĂ©e et Ă  la peau trĂšs fine, apparaissent dĂšs la fin juin; les secondes, de forme plus ronde, sont lĂ  de novembre Ă  mai. Toutes deux se tiennent trĂšs bien Ă  la cuisson. ’’

Blanquette de veau
Pour 6 personnes l Préparation et cuisson 12 h 
 
– 1,5 kg de tendrons et de flanchets de veau coupĂ©s en morceaux
– 2 carottes
– 1 branche de cĂ©leri
– 1 oignon
– 2 brins de thym
– 1 feuille de laurier
– 3 brins de persil
– 1 poignĂ©e de gros sel
– Grains de poivre
– 1 clou de girofle
– 50 g de beurre
– Huile d’arachide
– 1 litre d’eau pure
Pour la sauce:
– 2 jaunes d’Ɠufs
– 100 g de crĂšme
– 1 citron
– 7dl de bouillon de cuisson de la blanquette
Pour l’accompagnement:
– 18 petits oignons grelots
– 250 g de champignons de Paris
– 80 g de beurre
– Sel, poivre

Eplucher carottes et oignon. Piquer ce dernier du clou de girofle. Couper les carottes en fines rondelles. Faire chauffer le beurre et 1 cuillerĂ©e Ă  soupe d’huile dans une cocotte. Y faire dorer les morceaux de veau de tous les cĂŽtĂ©s, par petites quantitĂ©s. Remettre tous les morceaux dans la cocotte avec carottes, oignon, thym, laurier, branche de cĂ©leri et persil liĂ©s en bouquet, quelques grains de poivre et une poignĂ©e de gros sel. Couvrir avec l’eau qui doit dĂ©passer la viande de 1 cm (ajouter de l’eau si nĂ©cessaire). Porter Ă  Ă©bullition puis baisser le feu et laisser frĂ©mir 45 mn Ă  couvert.
Eplucher les oignons et les champignons pendant la cuisson de la blanquette. Couper les champignons en quatre, les faire dorer Ă  la poĂȘle dans 40 g de beurre. Saler et poivrer. Faire revenir Ă©galement les oignons, les ajouter aux champignons et rĂ©server au chaud. Mettre les jaunes d’Ɠufs dans un grand bol. Les mĂ©langer avec le demi-jus du citron et la crĂšme. Saler, poivrer. DĂ©layer ce mĂ©lange avec un peu de bouillon bouillant prĂ©levĂ© dans la cocotte. Retirer les morceaux de viande, les rĂ©server sur un plat creux chaud, avec les champignons et les oignons. Retirer le bouquet garni, carottes et oignon du bouillon. Verser le contenu du bol dans la cocotte en fouettant. Remettre sur feu trĂšs doux sans cesser de fouetter, en faisant trĂšs attention de ne pas laisser bouillir. Verser cette sauce sur les morceaux de viande. Servir aussitĂŽt. Accompagner la blanquette de riz.

L’astuce: ‘‘Il est possible de prĂ©parer la blanquette Ă  l’avance, mais la sauce sera prĂ©parĂ©e Ă  la derniĂšre minute, car elle ne peut ĂȘtre rĂ©chauffĂ©e.’’

Recettes recueillies par Joseph Karam

Photos © Pascal Muradian / Agence Denis Dessus / Région RhÎne-Alpes / D.R.